Chypre élit son président au second tour d’un scrutin incertain
Les Chypriotes votent dimanche pour le second tour d’une élection présidentielle à l’issue incertaine opposant deux diplomates, dont le vainqueur aura pour mission de lutter contre l’inflation et la corruption, et de relancer les pourparlers de paix sur l’île méditerranéenne divisée.
A 12H00 locales (10H00 GMT), le taux de participation était de 35,4%, contre 33,7% au premier tour, selon des chiffres officiels.
Le scrutin s’annonce serré: Nikos Christodoulides, 49 ans, chef de la diplomatie entre 2018 et 2022, est arrivé en tête le 5 février avec 32,04% des suffrages, devançant de peu un autre diplomate chevronné, Andreas Mavroyiannis, 66 ans (29,59%), ancien ambassadeur en France et en Irlande.
Nikos Christodoulides, soutenu par les partis centristes, et Andreas Mavroyiannis, appuyé par le parti communiste Akel, première force d’opposition du pays, se présentent comme des candidats indépendants.
A l’école primaire de Agios Antonios à Nicosie, Dora Petsa, 75 ans, une retraitée venue voter en famille, attend du futur président “qu’il règle la question chypriote (…) pour qu’on puisse vivre ensemble avec les Chypriotes-turcs”.
Louis Loizides, 51 ans, estime au contraire qu’à Chypre, il y a “beaucoup trop de problèmes intérieurs”. Pour lui, le nouveau président devra se concentrer sur la politique intérieure plutôt que le problème chypriote. “A mon sens, l’immigration et l’économie sont les deux priorités”, confie-t-il.
Les bureaux de vote ferment à 18H00 (16H00 GMT) avec une pause d’une heure à midi.
– Jeu ouvert –
Le vainqueur succèdera au président de droite Nicos Anastasiades, 76 ans, qui achève deux mandats de cinq ans.
Après la défaite de son candidat au premier tour, son parti Disy, qui a exclu M. Christodoulides pour s’être porté candidat contre l’avis du parti, s’est déclaré dans l’opposition et a refusé de donner des consignes de vote, laissant le jeu ouvert.
Hubert Faustmann, professeur de politique et d’histoire à l’Université de Nicosie, prédit “un résultat serré” qui se jouera “sur le choix des électeurs de Disy”.
Selon Fiona Mullen, analyste du cabinet de consultants Sapienta Economics à Nicosie, l’issue du vote dépendra en partie de la capacité de M. Mavroyiannis à convaincre que les communistes d’Akel ne prendront pas les rênes de l’économie s’il l’emporte, à l’heure où la hausse des prix de l’énergie et de la nourriture reste en tête des préoccupations des Chypriotes.
L’inflation a atteint 10,9% en 2022, avant un ralentissement en janvier, à 7,1%.
Les communistes ont été très critiqués pour leur gestion de la crise financière de 2012-2013, qui a failli précipiter Chypre, pays membre de la zone euro, dans la faillite.
Pour rassurer, M. Mavroyiannis a par avance annoncé le nom de celui qui serait son ministre de l’Economie. Il a choisi un juriste connu, Charalambos Prountzos, expert en droit des entreprises et de l’énergie.
– Lutte contre la corruption –
Le futur président sera aussi appelé à relancer les pourparlers de paix à l’arrêt depuis 2017. L’île de Chypre, qui a rejoint l’Union européenne en 2004, est divisée depuis l’invasion par la Turquie en 1974 de son tiers nord, en réponse à un coup d’Etat de nationalistes chypriotes-grecs qui souhaitaient rattacher le pays à la Grèce.
La République de Chypre n’exerce son autorité que sur la partie sud de l’île, séparée par la Ligne verte, une zone démilitarisée contrôlée par l’ONU, de la République turque de Chypre-Nord (RTCN), autoproclamée et reconnue seulement par Ankara, où vivent les Chypriotes-turcs.
M. Mavroyiannis, ancien chef des négociateurs chypriotes-grecs dans les pourparlers sur la réunification (2013-2022), a promis s’il est élu de rouvrir les discussions dès le premier jour. M. Christodoulides affiche une position plus dure.
La lutte contre la corruption a dominé aussi le débat électoral, notamment après le scandale des “passeports en or”. Ce programme d’octroi de passeports contre des investissements sur l’île a dû être annulé en raison d’allégations de corruption.
Autre sujet sensible sur cette île proche des côtes du Moyen-Orient et de la Turquie: l’afflux de migrants, pour lequel les deux candidats ont promis d’agir. Les autorités affirment que 6% des 915.000 personnes vivant dans le sud de l’île sont des demandeurs d’asile.